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Staline, bandit géorgien! (tratto da lepoint.fr del 11/09/2008)

Fils d’un artisan géorgien et d’une beauté ossète, il fut le roi du hold-up dans la Tbilissi d’avant-guerre. Il faut lire l’épatante biographie du jeune Staline.
di Claude Arnaud, da lepoint.fr del 11/09/2008

Imprimez Réagissez Classez De l’iceberg Staline on ne connaissait que la partie émergée : l’idole rouge trônait comme un monstre de glace capable d’ordonner la mort de milliers d’opposants imaginaires en tirant sur sa pipe. Inconnu jusqu’en 1917, Staline avait pourtant passé une première vie, en Géorgie, à singer ses professeurs, à chanter avec de petites maîtresses et à rire avec des princes caucasiens ruinés. Fils unique d’un cordonnier géorgien et d’une beauté d’origine ossète, né en 1878 à Gori, le jeune Djougachvili avait même été un enfant ultrasensible, vénérant une mère légère que son mari battait copieusement.

Sa mère rêvait d’en faire un pope ? Au séminaire de Tiflis, l’actuelle Tbilissi, l’adolescent se découvre en croyant zélé, poète chantant l’âme géorgienne, puis rebelle hirsute dévorant en catimini les classiques du marxisme. Un charisme indéniable, une soif impressionnante de connaissances-il dévore Pouchkine, lit Whitman et Thackeray-, le jeune Djougachvili use de son charme, de son assurance, de sa mémoire implacable pour lever des troupes.

Dieu enseignait soumission et silence au séminariste ? Lénine lui apparut pour l’appeler à la lutte armée. A peine défroqué, le fougueux Géorgien organise des hold-up pour renflouer les caisses bolcheviks, n’hésitant jamais à sacrifier des innocents pour arracher leur magot à des Cosaques-l’écho du braquage qu’il organisa en 1907 à Tiflis fit le tour du monde, avec ses 40 cadavres. Expédié à Bakou, il devient le maître chanteur des Nobel, Rothschild et autres dénicheurs d’or noir et, Mauser au poing et foulard rouge au cou, lève l’impôt révolutionnaire en usant de gamins des rues comme informateurs. Traqué par la police secrète tsariste, il ne dort jamais au même endroit. Il peut se déguiser en femme pour échapper aux policiers, mais aussi bien les acheter. En retour, celui que Montefiore traite drôlement de « Houdini bolchevik » voit ses propres troupes infiltrées par l’Okhrana. Déjà suspicieux, le comploteur professionnel envoie alors nombre de camarades innocents ad patres ; c’est, pour finir, un traître en qui il eut jusqu’au bout confiance qui le fera expédier en Sibérie où, abandonné par le Parti, il se changera en loup solitaire et glacé, à jamais paranoïaque.

Quand le putsch révolutionnaire de 1917 éclate, l’exécutant prend sa revanche : lui qui n’a connu que dix mois de liberté depuis 1910 devient le lieutenant préféré de Lénine, avec Trotski. « On peut tout lui demander », s’enthousiasme le leader impatient. Calme, méthodique, implacable, « l’homme d’acier » qu’annonce son pseudonyme allait prouver que les moyens, en histoire, sont presque toujours les fins.

Fruit de dix ans de recherches dans le Caucase, cette biographie monumentale étourdit d’abord par son luxe de détails ; croyant aux faits plus qu’aux idées, l’historien anglo-saxon zappe les querelles idéologiques. Il préfère suivre les intrigues amoureuses croisées de ce tueur flamboyant dont la jeunesse s’avère bien plus romanesque que celle de Lénine ou de Trotski. Exécutant zélé de Lénine, détestant plus que lui encore les « buveurs de thé » et les belles âmes, Staline apparaît ici comme le plus fidèle serviteur de l’esprit bolchevik. Certain d’incarner le sens de l’Histoire, prêt à broyer tous les obstacles menaçant son avancée, le maréchal n’aurait « péché » que par ses forfanteries d’autodidacte, vite convaincu d’être le spécialiste de la discipline qu’il découvre. L’atroce ordre stalinien, avec ses 28 millions de déportés, découlerait moins de la cruauté maladive d’un homme que de ce climat de gangstérisme, de conspiration et de paranoïa qui régna dans la Géorgie prérévolutionnaire et que le Petit Père des peuples perpétua jusqu’à sa mort, dans son donjon du Kremlin, comme s’il dirigeait encore un groupuscule traqué. Le feuilleton vrai de Sebag Montefiore en vient à faire penser à « La résistible ascension d’Arturo Ui », la pièce où Bertolt Brecht retrace en style « Chicago » les débuts du gang nazi. Il montre surtout que l’apparatchik inculte dénoncé par Trotski cachait un être d’une redoutable complexité, guère plus fou que vous et moi, mais infiniment plus convaincu.

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« Le jeune Staline », de Simon Sebag Montefiore. Traduit de l’anglais par J.-F. Sené (Calmann-Lévy, 498 pages, 25,90 E).

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