Elle était l’égérie des monarchistes. Du moins de ceux qui professaient la foi légitimiste. Encore que même les plus fidèles en vinrent à se lasser de son agitation. Bref, elle, la duchesse de Berry, fut à la fois idolâtrée – on dirait aujourd’hui qu’elle fut une “icône” – et rejetée. Cette figure n’a pas manqué de biographes. Au-delà même du caractère romanesque de sa vie, le fait qu’elle ait incarné la cause légitimiste a été source d’une littérature “militante” abondante. Il y a longtemps, toutefois, que cette “cause” n’a plus de partisans ardents. L’hagiographie peut dès lors laisser la place au portrait sensible.
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da l’Express del 15 marzo 2011
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Celui que brosse Laure Hillerin est de cette espèce et il est de la meilleure facture. D’autant qu’il se trouve que la portraitiste entretient avec son sujet une relation singulière. Sa trisaïeule fut une des amies d’enfance de la duchesse de Berry. Cela suscite l’empathie – sans quoi il n’est pas de biographie réussie – et permet même, dans ce cas, de dénicher de nouvelles sources dont les spécialistes ont salué l’intérêt.
La future duchesse de Berry est née Caroline de Bourbon-Sicile. Laure Hillerin retrace avec finesse l’atmosphère de cette cour sicilienne où la morgue bourbonienne fait bon ménage avec des façons de vivre plutôt rustiques. De sorte que lorsque Caroline est appelée à épouser le duc de Berry, deuxième fils du futur Charles X, son arrivée à la cour de France provoque quelque émoi. Ses manières de sauvageonne séduisent autant qu’elles inquiètent. Son franc-parler amuse, mais ses foucades perturbent. Si l’obèse Louis XVIII est assez fin pour apprécier les originalités de sa nièce, son beau-père, Charles X, à l’intelligence limitée, ne cessera jamais d’en être décontenancé. La duchesse de Berry aurait pu n’être qu’une pièce rapportée exotique à la maison de France, si des circonstances inattendues ne l’avaient conduite à tenir un rôle politique de première grandeur. Lorsque, en 1820, son époux, le duc de Berry, héritier de la couronne, est assassiné par le sieur Louvel, elle va, en effet, se retrouver au coeur de la question dynastique. Car Caroline est enceinte. Dès lors que le fils aîné de Charles X est sans descendance, l’enfant qu’elle porte en son sein, et pourvu que ce soit un garçon, détient donc tout l’avenir des Bourbons. Ce fut un garçon, et il fut vite désigné comme “l’enfant du miracle”.
Mère de l’héritier légitime, elle va tout tenter pour faire valoir les droits de son rejeton
Laure Hillerin restitue avec talent le contexte politique dans lequel se situe l’épisode. Elle ne se contente pas de planter ses personnages dans leur décor. Elle analyse avec justesse les politiques réactionnaires désastreuses conduites par Charles X et qui le mèneront à sa perte. Avec la bêtise obtuse de celui qui des bouleversements révolutionnaires n’avait “rien appris et rien oublié”, les manoeuvres du duc d’Orléans pourront se déployer sans entrave et les journées de 1830 verront le départ sans gloire du dernier des Bourbons. C’est dans ces circonstances que la duchesse de Berry va entrer dans l’Histoire. Mère de l’héritier légitime, celui qui, sur le trône, deviendrait Henri V, elle va tout tenter pour faire valoir les droits de son rejeton. Et c’est l’équipée de Vendée à travers laquelle se forge son image romantique dont Balzac se fera le chantre et Chateaubriand l’avocat. Dans ce qui fut un authentique fiasco – les troupes firent défaut, la duchesse fut arrêtée, emprisonnée quelque temps, puis invitée à aller voir ailleurs – on ne sait ce qui revient aux légèretés de Caroline et ce qui incombe aux palinodies de ses partisans. Toujours est-il qu’après cette entreprise avortée, la duchesse de Berry est, dans le même mouvement, entrée dans la légende et sortie de l’Histoire. La cause légitimiste courra bien encore quelques décennies sur son aire. Mais la niaiserie de “l’enfant du miracle”, devenu comte de Chambord, préférant renoncer au trône – qu’on lui apporte pourtant sur un plateau en 1871 – plutôt que de devoir accepter le drapeau tricolore, consommera définitivement les espoirs légitimistes. Il n’avait décidément pas hérité de l’audace et de la vivacité d’esprit de sa maman. La duchesse de Berry, elle, traversa son siècle en étonnant son monde jusqu’au bout.
Ses aventures amoureuses, son remariage avec un aristocrate italien modestement né, sa nombreuse progéniture, ses libéralités en faveur des arts et des lettres la firent se distinguer du triste gotha dont elle restait une figure et dont sa biographe restitue avec bonheur les petitesses et les grandeurs.
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Inserito su www.storiainrete.com il 15 marzo 2011