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Franck Ferrand: “interroghiamoci su come insegnare la Storia”

Les nouveaux programmes d’histoire suscitent un débat houleux. Pour Franck Ferrand, s’il faut s’interroger sur le contenu de cet enseignement, il est également primordial de s’interroger sur sa transmission.


Franck Ferrand est historien, écrivain et journaliste. Toutes les semaines il tient une chronique sur FigaroVox.

da FigaroVox  del 15 maggio 2015


FIGAROVOX. – À mesure que nous réduisons l’histoire à l’école, elle est de plus en plus populaire dans les médias, dans les librairies, les spectacles. Comment expliquer ce paradoxe?

Franck Ferrand. – Je ne suis pas certain qu’il faille établir un lien entre le recul de l’histoire dans l’enseignement et le succès des émissions, des livres et des spectacles historiques. Le goût des Français pour l’histoire n’est pas une chose nouvelle, vous savez; surtout lorsqu’il est question d’histoire chronique, narrative, incarnée -ce que certains, non sans condescendance, appellent «l’histoire-batailles»… Alors, certes, tout le monde peut constater une recrudescence dans l’intérêt du public; c’est sans doute lié à une forme de nostalgie, et à l’angoisse sous-jacente d’une perte d’identité.

Est-ce que, là-dessus, vient se greffer un phénomène de compensation? Peut-être… Il est certain que je reçois de nombreux messages d’adolescents qui, en substance, disent la même chose: «Je n’aime pas l’histoire (sous-entendu: telle qu’on me la présente au collège ou au lycée) mais j’apprécie vos émissions». Encore plus que le contenu de l’enseignement, il me semble qu’il faudrait s’interroger sur sa forme. Sur la manière de transmettre! L’histoire conceptuelle est comme l’art du même nom: elle finit par engendrer le bâillement.

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Pierre Nora a affirmé que nous vivions une profonde crise d’identité. L’histoire peut-elle nous aider à savoir qui nous sommes?

Non seulement elle peut nous y aider, mais elle est le seul moyen d’y prétendre! Chaque époque a réécrit l’histoire à l’aune de ce qu’en attendaient les contemporains. Je ne suis pas certain que la nôtre soit vraiment armée pour donner sa propre vision du passé -passé national, notamment. C’est dommage et, dans une certaine mesure, c’est inquiétant.

Pensez-vous que l’histoire puisse être un élément d’unité nationale notamment auprès des populations issues de l’immigration?

Dans sa variété constitutive, la population d’un pays a besoin, pour former une véritable communauté nationale, de se retrouver dans un certain nombre de références partagées. Si cela s’accompagne de sentiments et d’émotions collectifs, c’est encore mieux. Dans les monarchies, c’est le rôle des souverains et des familles royales: observez la puissance fédérative du «royal baby» récemment venu au monde … Dans une république comme les États-Unis, les gens -toutes cultures, toutes opinions, tous milieux confondus, plus ou moins- se retrouvent dans l’amour de la Bannière étoilée, dans la fierté de ce qu’elle représente en termes de liberté, spécialement. En France, où la République se veut moins puissamment patriotique, c’est le «roman national» qui est appelé à jouer ce rôle: Jeanne, bien sûr, mais aussi Louis XIV, Napoléon, le général de Gaulle sont quelques-unes des figures tutélaires autour desquelles -sauf exceptions- tout le monde doit pouvoir se retrouver. Hélas, Louis XIV a chassé les protestants, Bonaparte a rétabli l’esclavage… L’œcuménisme est sans doute un peu plus difficile ici qu’ailleurs; mais Richelieu ou Pasteur devraient trouver des adeptes, quelle que soit l’origine des uns et des autres.

Comment est née votre passion de l’histoire. À l’école?

Cette passion a été transmise à l’écolier que j’étais, à Poitiers, par une institutrice de cours élémentaire, puis entretenue par plusieurs profs d’histoire, presque tous passionnés et, dès lors, passionnants. Je suis un pur produit de l’École publique et n’ai jamais suivi de cours privé; je dis cela pour bien montrer que les établissements publics, il y a quarante ans, étaient tout à fait capables de dispenser un enseignement assez poussé en histoire nationale et internationale, en latin, en grec, en allemand, à un enfant issu d’un milieu modeste, extérieur à la bourgeoisie. Je trouve regrettable, parce que l’École a réduit drastiquement ses ambitions, de prétendre que certains enseignements seraient plus «élitistes» que d’autres. L’honneur de l’Éducation nationale, ce devrait-être, non d’abaisser le niveau général dans un souci d’apparente équité -source, en vérité, de nouvelles injustices- mais au contraire de hisser le plus grand nombre, chaque fois que possible, à un niveau élevé.

Le président de la République a inauguré lundi un musée de l’esclavage. Donnons nous, selon vous, trop d’importance aux pages sombres de notre histoire?

Bien sûr! Je n’ai rien, en soi, contre un musée de l’esclavage; je suis même sincèrement curieux de le découvrir. Mais on construit une conscience collective sur les réussites, les victoires, le souvenir des progrès et des joies collectives -non sur le ressassement des heures sombres et des crimes éventuellement commis. Il est inouï de voir jusqu’où peut aller notre culpabilité collective…

L’université est parfois coupée des médias et les travaux des chercheurs semblent destinés aux seuls spécialistes. Comment promouvoir une vulgarisation intelligente?

Je ne détiens pas de formule magique. Mais c’est bien ainsi que je conçois mon rôle à la radio et à la télévision: avec quelques autres, nous sommes des passeurs de savoir; notre rôle consiste à lire, assimiler, comprendre les travaux rares ou pointus, et à en communiquer la substance, le moins mal possible, à tous ceux qui n’auraient jamais accès à de tels travaux. Cela demande de la passion, de l’humilité, de l’application, beaucoup de travail. Mais il me semble que le jeu en vaut la chandelle!

Quelles sont les figures de l’histoire de France qui vous accompagnent depuis votre enfance?

Étrangement, ce sont des historiens, et non des acteurs de la vie publique. Je dis parfois, pour rire, que j’ai appris à lire dans les Mémoires de Saint-Simon; ce n’est pas entièrement faux. Le terrible Michelet, le superbe Bainville, l’admirable Braudel m’ont ensuite accompagné et nourri. Mais les deux figures de l’écriture historique qui, au final, auront sans doute compté le plus pour moi sont le «pape de la petite histoire», G. Lenotre -avec ses successeurs naturels, Alain Decaux et André Castelot- et un maître britannique de l’histoire comparée, Arnold Toynbee, auteur d’une Histoire universelle qui, pour moi, reste le suprême élixir!

Que diriez-vous à un jeune de vingt ans qui pense que l’histoire est ennuyeuse et inutile?

Je lui parlerais du siège d’Alésia, lui raconterais son déroulement, lui ferais toucher du doigt certaines questions que cela nous pose aujourd’hui. J’ai souvent fait cette expérience et, pour le moment, je n’en ai vu aucun qui n’ait fini, assez vite, par se prendre au jeu.

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